|
|
|
LAUREATES ET MOTIVATIONS
MICHEL PICCOLI
Michel Piccoli a débuté sous le signe du théâtre
- son Don Juan reste encore célèbre - pour passer
ensuite sur "l'autre rive", le cinéma, afin
de se résigner finalement à la relativité
du voyage ente-deux. Mais, entre les rives des dialogues se
nouent.
Piccoli séduit dans la mesure où il se situe
entre l'identité assumée de l'acteur de cinéma
et l'identité vacante de l'acteur de théâtre.
Quand, malgré sa réputation cinématographique,
les Bondy, Brook, Chéreau se sont adressés à
lui c'est sans doute en raison de cette disponibilité,
de cette ouverture. Il n'était pas prisonnier d'une
image, et il apportait une présence. Présence
disponible à même d'habiter la variété
inouïe des rôles qui l'ont conduit de Schnitzler
à Tchekhov ou Pirandello et de Shakespeare à
Koltès. L'acteur de cinèma savait se retirer
pour faire place à son double, l'interprète
théâtral.
Qu'aime-t-on chez Piccoli? Le fait de présenter comme
un artiste qui dure sans s'enfermer dans une effigie
il
affirme une certitude et préserve une dimension cachée.
La clarté ne chasse pas l'ombre qui, chaque fois, vient
accompagner la brillance de l'acteur mythique qu'il est. Il
n'a rien d'un être undimensionnel.
Michel Piccoli est une figure européenne. En lui, on
ne reconnaît pas tant la star internationale qui ignore
les frontières, mais plutôt le comédien
ouvert qui s'emploie à les franchir. Citoyen libre,
il ne veut pas en être le prisionnier et sa vie entière
témoigne de ce désir inassouvi d'aller au-delà
des limites. Limites des pays autant que des arts.
Michel Piccoli se refuse à l'indifférence civique.
Il n'a jamais pratiqué le désengagement et,
sans cesse, a pris position, s'est impliqué. Morale
d'acteur et morale civique ne se dissocient pas chez lui.
S'il s'érige en modèle ce sera toujours malgré
lui. Il n'a rien d'un héros qui s'affiche. Piccoli,
plus que quiconque, a su sauver son humanité. Vivante,
elle continue à nourrir ses actes et ses mots. Michel
Piccoli - acteur exemplaire, responsable à l'égard
de lui-même autant que de son art.
|
ALAIN PLATEL
Alain Platel mène un chemin artistique qui n'est ni
un métier ni une carrière. C'est une personnalité
originale, voire unique dans les cercles de la danse et du
théâtre. C'est son travail d'éducateur
social qui l'a conduit à être si attentif aux
réalités humaines de son milieu, son terroir
: le pays de Gand, la Flandre belge. Il a su rendre compte,
sans artificialité, ni afféterie, de tous les
émois, contradictions, désespoirs, rêves,
élans d'une adolescence attachante et tragique, qu'il
connaît bien par empathie. Ses spectacles de "
Bonjour Madame
" à " Tous des Indiens
" ont connu une diffusion dans toute l'Europe, bien qu'ils
soient (ou parce qu'ils sont) tellement enracinés dans
une histoire de banlieue flamande. C'est la preuve qu'Alain
Platel a décelé l'universel de l'âme humaine
dans ces portraits de famille si bien brossés à
l'aide du théâtre, de la musique, de la danse,
qu'il a mélangés en toute liberté
|
Heiner Goebbels
À partir de la moitié des années 1980,
Heiner Goebbels a réinventé le théâtre
musical. À la fois compositeur, metteur en scène,
arrangeur et dramaturge, Goebbels a travaillé avec
des acteurs, des chanteurs, des musiciens, des écrivains,
des artistes et des décorateurs du monde entier. Son
"Konzeptionelles Komponieren", conçu à
partir de la dialectique de Heiner Müller, des constructions
linguistiques hardies de Gertrud Stein, de la musique pop
et des traités de philosophie, permet de voir la musique,
d'entendre l'espace, de vivre le texte avec une simplicité
raffinée. Dans ses associations scéniques, les
éléments acoustiques et visuels ne sont pas
juxtaposés, mais reliés entre eux par une multiplicité
d'interrelations, c'est pourquoi pour trouver leur essence
ultime il faudrait avoir la baguette magique de l'humour.
Goebbels est l'un des principaux représentants de la
musique internationale et du théâtre d'avant-garde
; son esthétique évocatrice est à la
fois unique et inépuisable.
|
|
|