Le Programme
Taormina, 5 - 8 Avril 2001

IX Prix Europe pur le Thèâtre: Michel Piccoli VII PENRT: Heiner Goebbels et Alain Platel


Spectacles

Michel Piccoli in:
PICCOLI-PIRANDELLO: a partire da I Giganti della Montagna

The Left Hand of Glenn Gould
Sur Max Black
Iets op Bach

I Platelliani

 

 

The Left Hand of Glenn Gould

Le titre The Left Hand of Glenn Gould (La main gauche de Glenn Gould) fait surtout référence à la séparation entre la vue et le son. S' appuyant sur des moyens théâtraux, cette performance musicale tente d' explorer un territoire qui ne relève pas des thématiques classiques du théâtre et qui explore un espace familier mais difficile à cerner : celui du visage humain. " Le gros plan cinématographique traite le visage comme un paysage, il peut être défini par les termes espace noir et mur blanc, écran et caméra... Mais les autres arts également, comme l' architecture, la peinture et même le roman prennent vie grâce au gros plan, qui met en évidence toutes les interrelations possibles. Ta mère est-elle donc un paysage ou un visage ? Un visage ou une usine ? " (Deleuze / Guattari) Le projet ne répond pas à cette question, mais il invite le spectateur à participer à une recherche similaire. Musique, danse, représentation, vidéo, électronique live, textes de Edgar Allan Poe, Franz Kafka, Thomas Mann, Marcel Proust : tout cela a été élaboré au cours d' un atelier de plusieurs semaines qui a débouché sur une séquence scénique expérimentale. The Left Hand of Glenn Gould est un projet scénique élaboré par les élèves de l' Institut des arts appliqués de la Justus Liebig Universitat de Giessen, en Allemagne, sous la direction du compositeur et metteur en scène Heiner Goebbels, en collaboration avec les boursiers du laboratoire multimédia Fabrica de Trévise : des vidéo- artistes, des designers et musiciens/artistes du son faisant partie de la classe du compositeur italien Andrea Molino.



Sur Max Black

Au centre de la nouvelle pièce de théâtre musical de Heiner Goebbels, il y aura le comédien André Wilms avec et pour qui avait été conçu " Ou bien le débarquement désastreux " (ATEM - Théâtre des Amandiers, Nanterre/Paris 1993). D' une certaine manière " Max Black " commence où finissait " Ou bien le débarquement désastreux " : quand - après ses expéditions en terre étrangère, la confrontation avec la culture et la musique africaine et la maîtrise du texte de Heiner Müller " Herakles 2 " ou " l' Hydre " - le comédien tente, dans la dernière scène, de tracer à la craie sur la pyramide un tableau de ce que Francis Ponge avait inscrit sur son Carnet du bois pins pour se faire une idée de la nature. Un bois de 40 ans se nomme futaie sur taillis Un bois de 40 à 60 ans se nomme demi-futaie Un bois 60 à 120 ans se nomme jeune haute futaie Etc. à présent, la lumière s'est éteinte, les musiciens sont partis. Ce qui reste dans " Max Black ", c' est un chercheur dans son laboratoire (biologiste, physicien, chimiste, logicien, mathématicien, sémioticien, linguiste?). (Il n' est pas sûr que les choses en resteront là): le projet d'éclairage (développé en compagnie de l'artificier français Pierre-Alain Hubert), prévoit de ne pas travailler avec la lumière, mais avec le reflet de feu, de déclencher des flammes de manière contrôlée, et de les mettre en scène en un mélange non prévisible de surprise et de régulation. Toute la musique - les sons et les bruits - sera actionnée, déclenchée par l'acteur. La scène est un laboratoire d' idées que le spectateur peut suivre, par exemple parce que des mèches sont allumées, qui déclenchent des réactions en chaîne, parce que, grâce à un sampler, André Wilms reproduit sur un clavier ses propres sons qu'il a enregistrés auparavant; parce que le bruit d'un pot renversé devient un rythme qui fournit la base de la composition du passage suivant, mais qui s'interrompt soudain parce que des étincelles jaillissent soudain d'un vieux poste de radio à lampesÉetc. On verra le comédien tenter de mesurer l' incommensurable. On l' aidera à résoudre ses énigmes, celle du " Barber of Tompstone " ou bien " Mort à Samara " ... La langue devient musique en se développant tantôt de manière poétique, tantTt en se dissolvant dans l' abstraction (par exemple quand il s' agit de mettre en musique une formule mathématique), inversement, chaque son musicalement utilisable sera aussi concrètement ancré que la bouilloire ou les balles sur les tambours dans la précédente pièce musicale de Heiner Goebbels " Schwarz auf Weiss ". Mais l'exigence sera ici exactement inverse (les musiciens étaient alors les interprètes, et la création de la musique fondait la scène): ici, tout ce que fait le comédien se transformera en lumière (feu), image (action) et musique (son). Heiner Goebbels construira sa composition sur des textes empruntés à Paul Valéry, Georg Christoph Lichtenberg, Ludwig Wittgenstein et Max Black.



Les Ballets C. de la B./Ensemble Explorations

Iets op Bach

Il semble qu’Alain Platel n’aime pas le rùle de Dieu le Pére. Il ne voit pas l’intèrít dans le dèveloppement de sa propre èglise avec son propre service religieux. Son oeuvre de crèation, il la moule sous diffèrentes formes et avec plusieurs personnages. ‘Bonjour Madame’ et ‘La Tristeza Complice’ sont nès dans le giron des Ballets C. de la B. ; toutefois, ‘Moeder en kind’ et ‘Bernadetje’, tout deux en collaboration avec Arne Sierens ont ètè crèès sous les auspices de Victoria.

 

Quoiqu’il en soit, Les Ballets C. de la B. demeurent sa paroisse. Officiellement - bien que Les Ballets C. de la B. soient toujours un collectif - il en est le directeur artistique; mais ils ont toujours tout partagè. Avant, cela consistait en un processus de crèation commun; aujourd’hui les membres de l’ancien collectif se lancent le dèfi mutuellement pour que chacun crèe sa propre oeuvre, ainsi, comme cela s’est passè pour Hans Van den Broeck, Christine De Smedt et Koen Augustijnen. Dans ce cas, Platel ne se mètamorphosera jamais en saint patron; son credo sera plutùt : nager ou couler. Sauf que, dans les deux cas il y a un soutien certain.

 

Il semble que ses crèations ne voient que très peu le jour dans son esprit. Au dèbut du processus de rèpètition il y a très peu de donnèes - il n’existe pas de plan divin. Il trouve cela d’ailleurs gínant; ‘Bonjour Madame’ naissait de 9 hommes et 1 femme, ‘La Tristeza Complice’ de Purcell adaptèe à l’accordèon. Mais il y a bien plus encore, la suspicion et l’espoir, tandis que Platel se retire dans l’espace du non-omnisavant qui laisse de la place pour l’imprèvu et le non-prèvu.

Point de dèpart cette fois-ci est la musique de J.S. Bach. Souvent elle est associèe à la technique et les mathèmatiques. Ou à l’odeur de la divinitè et de l’èther, au cri de la dèlivrance, la fugue. Platel emprunte une tierce voie : Bach comme consolateur, comme voix du dèsir, de la dèfaillance, de l’extase, de l’insurrection et de la capitulation, de tout ce qui est humain.

 

Un an et demi d’ècoute attentive de Bach a permis à Platel de rassembler ses morceaux prèfèrès et qui sont exècutès en direct sous la direction musicale de Roel Dieltiens. L’ensemble se compose de 9 musiciens : violon, alt, contrebasse, hautbois, flûte traversière, flûte à bec, orgue, clavecin et violoncelle. Les chanteurs sont :Greta De Reyghere (soprane), Werner Van Mechelen (basbaryton) et Steve Dugardin (alto). Cette fois-ci, pas d’adaptation - car à Bach on ne touche pas. On joue míme sur d’anciens instruments. L’authenticitè n’est toutefois pas folklore. Il est toujours important d’atteindre le public d’aujourd’hui à travers les stylismes d’hier. Les voies de Dieltiens et de Platel se croisent sur ce parcours èmotif.

 

Platel serait impuissant s’il avait à faire à des gens dèpourvus de personnalitè. Il veut à tout prix qu’ils manifestent le plus profond d’eux míme. Les 9 danseurs, qui viennent de tous les coins du monde, sont formès dans diffèrentes disciplines de danse. Quelques-uns participaient dèjà à ‘La tristeza Complice’ (Minne Vosteen, Samuel Louwyck, Gabriela Carrizo et Franck Chartier qui a fait un remplacement pendant la tournèe), d’autres ont ètè recrutès au ‘De Beste Belgische Danssolo’ (‘le meilleur solo belge’), concours organisè par Platel (Lazara Rosell Albear et Larbi Cherkaoui) et quelques novices (Einat Tuchman, Lizie Estaràs et Darryl Woods). La compagnie est, cette fois-ci encore, èlargie avec des enfants (un adolescent et une jeune fille). L’enjeu reste le míme : crèer un monde de diffèrences.

 

Pour cela, les danseurs interprètent leurs propres histoires ou en inventent d’autres selon les instructions de Platel, qui n’oublie en aucun cas ce qui se passe dans les vestiaires : Diana, Dutroux, Dolly et les Morts-au-nom-de-dieu. Cela èvoque des images peu encourageantes et suscite des choses inexprimables : l’odeur des d’èmissions libidineuses et rancies. Une sorte d’enfer.

 

Alors, où se situe Platel ? Si l’on cherche une rèponse univoque on ne le trouvera jamais. Ce n’est jamais ou/ou. Son monde n’est pas divisè correctement en loups et moutons, un homme est aussi une femme, et une chose n’est pas seulement belle. Il embrasse les contradictions et noue les extrèmitès. Et/et. Simultanèment. Dans ce mouvement il n’y a ni vainqueur ni vaincu; on n’y parlera jamais de rèconciliation. (Le conflit èternel comme source du bien, la puretè et la beautè, s’il faut à tout prix donner une morale à l’histoire).

‘iets op Bach’ s’annonce comme un mariage tumultueux entre ciel et enfer.

 

Hildegard De Vuyst